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mardi 5 septembre 2017

Petits fours

10 petits degrés, pluie. Pour rejoindre mes pâtissiers, j'ai pris le bus, la soeur de Rosie étant sur le trajet de la station, je les ai laissées ensemble, j'ai eu de la chance de l'avoir rencontrée.
Des livraisons de fournitures ayant enfin eu lieu, la production reprenait. Tout le monde était sur place, Gilles, le cosaque Iouri, Sacha, le garçon qui fait la boulangerie, et Sérioja, celui qui supervise la pâtisserie avec Olga. Les garçons sont mes préférés dans l'équipe, mais c'est souvent que je préfère les garçons, et c'était le cas dans mes classes de maternelle. Ils ont de l'humour, et moins de sautes d'humeur et de crises d'hystérie.
Sérioja semble s'intéresser à ce qu'il fait, il note le nom français de tout ce qu'il fabrique et me pose beaucoup de questions sur la France, nos usages culinaires. Je lui ai demandé s'il aimait son boulot, il m'a répondu que oui.
Didier faisait poncer sur un tamis les bords de ses fonds de tartelettes. "Tu vois, me dit-il, dans ce métier, on n'en finit pas d'apprendre et de découvrir des trucs. Avant, je me faisais chier à égaliser ces bords au couteau, et cela ne donnait pas grand chose. Alors que là, tu frottes un peu sur le tamis et hop, regarde-moi ça si c'est beau... Mon père, deux ans avant sa retraite, il faisait encore des trouvailles.
- C'est normal, c'est toujours comme cela, dans les métiers créatifs!"
Pour faire les florentins, il manquait des fruits confits, et donc de la couleur, mais j'ai eu droit aux rogatons qui restent après la coupe, c'était quand même très bon. Ces fruits confits, je l'ai appris, sont maintenant à base de betterave moulée et colorée, les vrais fruits confits valant des prix astronomiques. Didier m'a expliqué qu'en Alsace, on utilisait aussi de la purée de framboise pour les florentins, sa description lyrique donnait envie de faire le voyage.
J'ai goûté également le petit financier à la fraise agrémenté de baies de cassis et le mini brownie avec des pépites de chocolat sur le dessus, pas dégueulasse. La tartelette aux noix, pas mal non plus. Toute une batterie de petits fours que Didier met en circulation et qui ont beaucoup de succès. Les filles préparaient avec Olga des "tropéziennes", selon la recette de son prédécesseur: "C'est pas des tropéziennes, ça. Jamais vu des tropéziennes comme ça. Et je connais la question, j'ai bossé à Saint Tropez, chez le grand faiseur. De même là, elles me font des amandines, eh bien c'est pas des amandines: y a pas d'amandes dedans. Ce sont des noix. Les amandines, c'est à base d'amandes, comme le nom l'indique, avec aussi de la framboise."
Didier est fils et petit-fils de pâtissiers, il est de Rambouillet. J'apprends cela à propos du "succès" en commande, pour un café de Serguiev Possad: "Le succès, c'est la spécialité de Rambouillet, d'ailleurs, en réalité, cela  s'appelle un rambolitain."
Avec Iouri, j'ai parlé du Donbass dont il est originaire et où il s'est battu.
A l'issue de la journée, je suis allée avec Didier voir un appartement proposé par Sérioja, tout près de leur lieu de travail, mais Didier préfère rester dans son coin, près de l'église de la Protection et de la rivière, du moins pour l'instant. Nous discutons tous les trois et je fais l'interprète. Didier a complètement adopté les enfants de sa femme équatorienne, ils sont maintenant adultes. Sa femme est très croyante. Lui non: "Ma religion, c'est le travail." Il pense que toutes les religions sont pareilles et ne servent qu'à faire se battre les gens entre eux. Mais il aime bien aller dans les églises, il trouve cela apaisant.Il nous raconte qu'en Equateur, à part les catholiques, il y a une forte expansion des témoins de Jéhovah et des évangélistes. Les témoins de Jéhovah ont un temple immense et blanc comme la neige qui se voit d'une centaine de kilomètres de distance, et affiche un luxe extraordinaire, des dorures partout, jusque dans les toilettes. L'entrée en est payante ainsi que toutes les prestations ruineuses de type mariage ou enterrement.
Je lui explique deux ou trois choses sur l'orthodoxie, la communion sous les deux espèces: "Mais c'est pas du vrai pinard qu'ils utilisent là dedans?
- Mais si, c'est une sorte de vin cuit, un peu comme le Rasteau.
- Bon, moi, si on me trempe cela dans le Ricard, je veux bien essayer."
Il lui faut alors expliquer à Sérioja qu'entre le Ricard, le Pastis et le Pernod, il y a des différences essentielles et qu'il ne faut pas mélanger les torchons avec les serviettes.
J'ai retrouvé Rosie déchaînée. Impossible de l'enfermer chez moi, car elle me détruit tout, me vole tout. La laisser dehors par mauvais temps va devenir difficile. Impossible de se reposer, soit elle m'emmerde, soit elle emmerde les chats, ce qui m'emmerde aussi, car ils protestent avec vigueur. Je la mets dehors, je la laisse rentrer, je la mets dehors, je la laisse rentrer... Elle a envie de jouer, moi, après mes heures de boulot, pas du tout. J'ai envie de l'expédier sur la planète Mars, de revenir en arrière pour rester chez moi le jour où elle est passée devant ma porte. Quelle plaie... Elle n'est tolérable que lorsqu'elle fait sa vie dehors, mais le temps va se gâter et elle sera de plus en plus dedans...


Les quelques fleurs de mon jardin

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