Translate

lundi 6 mars 2017

Des ans l'irréparable outrage

L'hiver revient, mais pas pour longtemps, demain, réchauffement, fonte de tout ce qui sera tombé aujourd'hui. Le mois de mars est vraiment difficile à vivre, ici. Il faut profiter de cette moquette blanche et propre qui s'étend partout pour marcher d'un pas sûr, et aller se promener, ce que j'ai fait ce matin avec le petit chien. Je voulais acheter ciseaux, fil, aiguilles, centimètre, tout ce qu'il fallait pour raccourcir les rideaux offerts par Liéna Asmus, mais plus de ciseaux, plus de centimètres, jusqu'au 20 mars, la gestion des stocks est inconnue au bataillon. La jeune mercière me fait cadeau de son propre centimètre... en revanche, pour les ciseaux, c''est râpé.
Dans le parc, près du café français, m'aborde un bonhomme qui a dû être beau, nez aquilin, yeux clairs, mais l'alcoolisme (me semble-t-il) et l'âge ont fait leur oeuvre. Si je croyais ne pas faire le mien, d'âge, il a eu vite fait de mettre fin à cette illusion: "Vous avez combien, dans les 65 ans?
- Tout juste.
- Moi aussi, je suis de 49."
Oui, eh bien ça fait un peu plus, pépère. Je l'aurais rencontré avant la bouteille et les ravages des ans, cela aurait-il pu coller? Peut-on encore s'aimer quand de part et d'autre ne subsistent que des ruines? "Mon Dieu, me dis-je, quand je serai dans l'éternité, je serai jeune à jamais, j'aurai l'âge de mon âme!" Mais là bas, tout est si différent, sans doute, que cela donne le vertige quand on tient trop,à la terre. Etre jeune me fera une belle jambe... Mais si, ça compte, ça compte de ressembler à ce qu'on est dans la conception de départ, et non dans son état usé, défiguré, rapiécé. Le vieillissement, me disait le voisin du père Valentin, l'oncle Slava, c'est quand les cellules perdent la mémoire de ce qu'elles doivent reproduire. Alors la Mémoire Eternelle ne va pas oublier la gueule que j'avais à 20 ans, quand je me demandais celle que j'aurais à 60...
Au café, je prends la tartine de légumes et des pâtes de fruits, avec un thé vert au citron. Carémique. Je ne sais pas ce qui me prend, à mon âge, de suivre ça ric rac! Ce doit être l'ambiance...
Au retour, je tombe sur le Serbe qui est toujours à côté de la quincaillerie: "Qu'est-ce qui se passe chez vous, en France, c'est quoi, ça?
- C'est, mon ami, la transformation progressive de notre pays en Kosovo ou en Ukraine, je m'y attends depuis que l'OTAN a détruit le vôtre.
- Oui... Et cela me fait de la peine de vous le dire, mais vous ne l'avez pas volé!"
Cela me fait de la peine de l'admettre, mais en effet. Moi, j'étais en Russie, mais dans l'ensemble, tout le monde a gobé la légende des vilains Serbes qu'on distillait sur tous les médias de France et de Navarre. J'ai connu en stage une enseignante qui, en poste à Belgrade et rapatriée, se faisait traiter comme une pestiférée parce que sa version des choses ne ressemblait pas à la version officielle.

c'est à ce tableau d'Olga Kalashnikova que ressemble Pereslavl au mois de mars


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire