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lundi 7 août 2017

La blanquette, le Christ cosmique et le canard.



Le pic de Burgarach
Henri Barthas est un homme que j'ai connu par Facebook, et qui habite Limoux, "le pays des fous", de la blanquette, du canard et du Christ cosmique. A Limoux, on boit de la blanquette, inventée par Dom Pérignon, le père du champagne. "C'était une ébauche, la blanquette?
- Mais non, malheureuse, c'était son premier chef d'oeuvre!"
Le pays se caractérise m'a-t-il expliqué, par ses nombreux chasseurs anticléricaux et socialistes, l'amour de la population pour la fricassée, la viande et le canard, sans lesquels un repas ne saurait porter ce nom. Et par un maire qui a défrayé la chronique...
Henri m’a emmenée visiter un peu la région qui est magnifique et préservée, encore plus que le Gard. Les villages sont restés comme dans les années 50. Sauf que naturellement, on a commencé à y répartir des migrants. 
Le paysage a quelque chose de sauvage et de magique. On n’est pas loin de la mer, les pins parasols et les cyprès poussent à travers les collines accidentées, rocheuses, mais on n’est pas loin de la montagne non plus, et l'on y voit des pins sylvestres. Les essences méridionales prennent plus de développement que de notre côté, et forment des forêts hautes et profondes, mystérieuses. Je suis descendue avec lui jusqu’à une rivière salée et son pont romain, par un sentier à travers des bois ténébreux. Nous nous étions arrêtés près du pic de Burgarach, une montagne à la forme étrange et impressionnante qui a une réputation magique ou paranormale, piste d’atterrissage pour les OVNI ou autres légendes sensationnelles. Dans le coin habite le « Christ cosmique », un bonhomme qui se présente ainsi, « je suis le Christ cosmique, le grand monarque, le Messie », et que nous avons croisé deux fois, en short et chemise baba cool, les cheveux hirsutes autour d’une figure parfaitement ordinaire, qu'on ne croirait pas sortie, les apparences sont trompeuses, de l'usine à surhommes d'Aldébaran...
Henri m’a emmenée au monastère orthodoxe de Cantauques qui a conquis mon cœur. Le lieu est à la fois paisible, lumineux et désert, avec un cèdre et un cyprès majestueux. L’église simple et belle, les chants liturgiques dépouillés et harmonieux, une spiritualité palpable en toutes choses, et puis quels moines… Le père Samuel, affable et chaleureux, le père Syméon, si délicieusement malicieux et plein d’humour, le magnifique père Moïse, si beau, si noble, avec une barbe digne du nom qu’il porte, un visage de roi légendaire. J’écoutais l’épître de Pierre qui témoignait de la Transfiguration : un témoignage direct attesté par une vie de proscrit et une mort de martyr. Comment en douter ? Le Christ de la fresque, derrière l’autel, semblait me dire : « Tu vois ? »
Nous avons pris un petit verre du quina du père Syméon, dans le cloître fleuri où tout le monde se retrouve après la liturgie, dans l’odeur des lavandes.
En fin d’après-midi, nous avons visité le village de Rennes le Château, dont le curé, au début du XX° siècle, avait embelli l’église dans un style plus naïf que sulpicien, à mes yeux infiniment préférable aux squelettes d’églises hantées par quelques affiches avec des slogans religieux ou par des photos, qui ont suivi Vatican II. Personne ne sachant comment le curé avait trouvé les fonds, plein de gens soupçonnent qu’il ait pu découvrir le trésor des templiers. Cette église, le petit jardin attenant, le presbytère et sa véranda colorée m’évoquaient fortement la France disparue que je voyais à Annonay dans mon enfance. Hélas, deux choses me ramenaient au temps présent : l’omniprésence des touristes et surtout les déprédations apportées par une « déséquilibrée » au chef-d’œuvre de l’abbé : le diable écrasé sous le bénitier a perdu sa tête, et aussi Marie-Madeleine, sur l’autel.
Les paysages des Corbières sont gâchés par des éoliennes « écologiques » gigantesques en grand nombre. Il conviendrait naturellement de promouvoir à grande échelle la production d’énergie autonome individuelle, chacun sa petite éolienne, ses panneaux solaires, sa maison construite dans cette perspective, et le paysage n’en serait pas gâché, mais l’énergie et ses profits ne seraient plus un monopole. A ce problème, beaucoup de gens du pays ont la réponse: "Faren tout pétar"...
En traversant ces villages, ces forêts si belles dans leur variété, ces étendues sauvages, pleines de rochers grandioses sous les nuages orageux, de ruines médiévales perchées, je sentais mon lien atavique avec tout cela, en dépit de celui que j’ai avec la Russie, et j’éprouvais une souffrance profonde à l’idée que nous étions en train de perdre notre pays...
Henri est un produit local, né ici, de parents eux-mêmes originaires du coin, il a le physique du lieu, les expressions et l’humour du sud ouest. Il est le résultat de générations de Français des Corbières. C’est ce que veut détruire la caste au pouvoir, pour créer artificiellement une société de métis déracinés qui n’aura plus aucun lien avec ces paysages, ces maisons, ces églises et ces châteaux.
Avec Henri, j’ai des discussions que je n’ai pas avec beaucoup de Français, mais c’est que beaucoup de Français ne l’ont déjà plus, ce lien, cinquante ans d’américanisation médiatique ont fait leur œuvre, et aussi la destruction programmée de la paysannerie et la démission de l’Eglise catholique, sa compromission avec la modernité.
Henri, sa femme et moi, nous nous sommes entendus comme larrons en foire, et nous avons beaucoup ri. J’espère qu’ils viendront me voir en Russie, ces vrais Français comme on n’en fait plus.
Henri m’a raconté, ce que j’ignorais, que la liturgie gallicane avait beaucoup plus de points communs avec la liturgie byzantine, elle comportait notamment le trisagion, mais elle avait développé sa forme originale, à partir des successeurs de saint Irénée de Lyon. Elle a été extirpée par Rome, après bien des résistances locales. De sorte qu’Henri et moi-même retrouvons dans la liturgie orthodoxe quelque chose qui nous enracine aussi dans cette lointaine France pré-schismatique avec laquelle le lien est quasiment perdu.

Henri sur le pont romain
La rivière salée (la Sals)



Type anthropologique de Français du sud-ouest (orthodoxe)

Henri, Patou et le chat Ouinou
Dans l'église de Rennes le Château





Tour en dessous du village
Au monastère de saint Martin et de la Mère de Dieu à Cantauques





2 commentaires:

  1. Pas le trésor des Templiers, vraisemblablement celui des Mérovingiens...peut-être même l'or de Toulouse, volé à Delphes par les Celtes tectosages, or qui est maudit.

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  2. je ne connais pas bien cette question!

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