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lundi 29 janvier 2018

Mémoire éternelle

chapelle du XVI° siècle "en forme
de tente", détruite.
J'ai trouvé chez une collaboratrice du musée de Pereslavl un recueil de photos anciennes où l'on voit bien l'étendue des destructions opérées depuis l'avènement de la période soviétique jusqu'à nos jours. Quelques personnes essaient de sauver comme elles peuvent le peu qu'il subsiste de cette féerie, de cette floraison de coupoles et de clochers fauchée par le siècle de fer.
Et cela s'est produit dans toute la Russie. Pereslavl Zalesski était censée jouir du traitement de faveur, sur le plan de la conservation du patrimoine, dévolu aux villes de "l'Anneau d'Or"...
Galia, qui est venue ici jouer des gousli et a dormi chez moi, m'a parlé de la ville d'Ivanovo, où elle a grandi: il ne reste pratiquement rien de ce qu'elle a été, et qu'elle a découvert un jour sur de vieilles photos.

Je me dis parfois que le sort de la Russie, c'est celui que l'Europe est à la veille de connaître: les démons chassent, sous divers prétextes, la beauté de notre vie avec une inlassable méticulosité de méchants ronds de cuir, et leur activité se déploie partout, partout s'étendent les ombres du Mordor.
Mais la Russie en est au stade ultérieur, et en plus, elle n'a pas connu la stupidité béate des trente glorieuses qui a démobilisé la France et lui a fait perdre, dans une illusion hédoniste, le lien avec ses ancêtres, avec les valeurs humaines éternelles que la Russie a quand même plus ou moins sauvegardé ou en partie retrouvé. Elle a mieux conservé son patrimoine immatériel que son patrimoine matériel, et nous, c'est le contraire.
Il semblerait que nous devions tous en ce moment choisir notre camp, et ce faisant, occulter ce qui dérange le camp choisi, refermer les placards sur les cadavres, pratiquer le silence complice,faire du moindre mal un bien, au nom de la lutte contre le mal identifié comme le pire, le plus menaçant.
A vrai dire, je me demande s'il y a encore tant de choses à sauver sur une terre qui m'est encore très chère et si cela vaut le coup d'entrer dans des polémiques infinies. Personnellement, j'ai choisi le camp du Christ, et celui de la sainte Russie. Ce qui implique naturellement, de ne renier, de ne trahir, ni de salir ni l'Un ni l'autre.
Cela simplifie les choses. Il y a ce qui correspond au Christ et ce qui ne lui correspond pas.
Sauver ce qui peut l'être, il faut le faire, car plus les gens perdent la mémoire et l'accès aux traditions culturelles et spirituelles qui se transmettaient depuis la nuit des temps, plus ils sont, au sens fort du terme, désorientés. Il est facile de faire croire aux gens que l'enfer qu'on leur a fait est un paradis, quand plus aucune trace ne subsiste de ce dont on les a privés. C'est pourquoi "du passé faisons table rase..." Le passé est un témoin gênant. On le détruit avec le même enthousiasme, qu'on soit un bourgeois capitaliste, un commissaire du peuple ou un fanatique islamiste. Des gens désorientés ont perdu leur orientation, ils ne savent plus qui ils sont, ils ne discernent plus le beau du laid, le vrai du faux ni le bien du mal, ils foncent en écumant sur le premier bouc émissaire qu'on leur présente, ils ont perdu l'orientation, et l'orient, vers lequel étaient tournés nos sanctuaires, celui du soleil levant, celui de l'Aube promise.
La rue principale. autour de l'église saint Syméon le Stylite, il y avait plusieurs églises: détruites. Au loin, à gauche,
sur la hauteur, l'ancienne rive du lac, le monastère disparu, but de mes promenades avec Rosie, il est remplacé par une chapelle, et du cimetière ne subsiste qu'une pierre tombale. 

Cette église, près du pont sur la rivière Troubej, en face du café français,
n'existe plus.

ce panorama, avec cette floraison d'églises, ces moulins à vent, ces maisons de dimensions modestes qui s'entendent bien
les unes avec les autres, se complètent au lieu de se côtoyer n'importe comment, a complètement disparu. La plupart des églises ont été détruites.



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